L’Atlantique en trombe ? Premier navigateur solitaire sous les cinq jours ? Et alors, s’interrogeront les terriens ?
Ce garçon est déjà le seul au monde à boucler le tour de la planète en moins de cinquante jours. Il a tant multiplié les allers retours entre Europe et Amérique qu’il confond sans aucun doute cet océan avec la place de son village. On pourrait donc se dire que dévaler seul le mythique parcours New York – Cap Lizard en quatre jours onze heures, dix minutes et 23 secondes tient pour lui d’un genre de formalité… Même si au passage, il a pulvérisé le record en solitaire de tout près de quinze heures.
🎬 Le chronométreur à Thomas Coville : "Much better now than 3 o'clock in the morning" 🙂 #HumourAnglais ?https://t.co/AZdzh2EnqG
— Sodebo Voile (@Sodebo_Voile) July 16, 2017
Remettons donc l’exploit en perspective.
Cette affaire de record remonte au début du XXème siècle. Tandis que les grands paquebots de ligne se livraient des combats épiques pour signer le meilleur temps sur la transat, monarques, princes et milliardaires s’affrontaient entre Amérique et Angleterre sur de grands trois mâts manœuvrés par des armées de professionnels. En 1905, un skipper de légende nommé Charlie Barr, emmenait la goélette de 56 mètres Atlantic dans une folle cavalcade au cœur des brouillards et des tempêtes de la « Mare aux Harengs ». A la tête d’un équipage de 50 hommes, il signait un temps remarquable, pour l’époque, de 12 jours 4 heures 1 minute et 19 secondes. La première nuit, une lame fauchait trois équipiers qu’on ne devait jamais retrouver. Les jours suivants, forçant la toile dans les vents furieux, Barr interdisait au propriétaire et à ses invités de monter sur le pont.
Son record devait tenir 75 ans. Après de multiples tentatives ponctuées de chavirages, démâtages et naufrages, qui d’autre qu’Eric Tabarly pouvait effacer ce record ? En 1980, le maître des Pen Duick, accompagné de trois équipiers, descendait le temps référence à 10 jours 5 heures 14 minutes et 20 secondes. Dans cette impitoyable lutte contre le chronomètre, chaque seconde compte. La course au chrono infernal était relancée.
Il y a trente ans tout juste, Bruno Peyron signait le premier record en solitaire. A bord de son catamaran de 22 mètres, il passait au Lizard en 11 jours 11 heures et 46 minutes. Soit une semaine de plus exactement que Thomas Coville aujourd’hui…
Tour à tour, Florence Arthaud, Laurent Bourgnon, Francis Joyon et Thomas se sont appropriés ce Ruban Bleu des coureurs solitaires. Ils sont les seuls au monde dans leur cercle de conquérants. Thomas a été le premier à descendre sous les six jours. C’était en 2008.
Sept ans plus tôt, à bord du catamaran géant Cheyenne, l’Américain Steve Fossett et ses neuf équipiers avaient réussi à descendre pour la première fois sous les cinq jours (4 jours et 17 heures). En 2006, Bruno Peyron et ses onze équipiers emmenaient le catamaran de 39 mètres de long Orange II en 4 jours 8 heures 23 minutes, record que Franck Cammas et sa bande devaient raboter de quatre heures et demi environ, avant que Pascal Bidegorry et ses treize compagnons, à bord du géant de 40 mètres Banque Populaire (devenu Spindrift) ne l’amputent encore d’environ douze heures en 2009.
Avec son temps canon, Thomas Coville joue donc dans la même cour que ces équipages d’exception. Avec cette différence majeure qu’il n’a pu compter sur personne d’autre que sur lui-même durant toute sa descente du grand toboggan atlantique. Ce funambule a tenu son Sodebo Ultim’ sur la crête des vagues cent sept heures durant, osant garder toute sa toile dans les vents forts, enchaînant seul six empannages (virement vent arrière). Avec, au passage, des cadences journalières qui lui auraient assuré le record des 24 heures il y a à peine un an…
49 jours trois heures 4 minutes et 28 secondes autour du monde, c’est mythique. 4 jours onze heures dix minutes et 23 secondes sur l’Atlantique nord aussi.
© Eloi Stichelbaut