Ils vont tenter ! En stand-by depuis le 9 novembre, les sept hommes d’équipage de Sodebo Ultim 3 s’apprêtent à s’élancer sur le Trophée Jules Verne, puisqu’ils ont activé le code vert. Pour Thomas Coville, Frédéric Denis, Pierre Leboucher, Léonard Legrand, Guillaume Pirouelle, Benjamin Schwartz et Nicolas Troussel, les événements s’accélèrent : ils ont quitté ce vendredi à 14h leur base de Lorient pour se diriger vers la ligne virtuelle, située entre Ouessant et le cap Lizard, et s’élancer, probablement dans la soirée de ce vendredi 29 novembre. Le record à battre ? 40 jours 23 heures et 30 minutes, propriété depuis janvier 2017 d’Idec Sport (Francis Joyon).
Crédit photo : Vincent Curutchet / Team Sodebo
A l’affût depuis le début du mois de novembre d’une fenêtre météo, Thomas Coville, le navigateur du bord Nicolas Troussel, Benjamin Schwartz et la cellule de routage à terre (Philippe Legros et Simon Fisher) ont estimé ce vendredi 29 novembre que les conditions étaient réunies pour larguer les amarres de Lorient et faire route vers Ouessant, d’où Sodebo Ultim 3 devrait s’élancer dans la soirée de ce vendredi. Une délivrance pour un équipage qui, lors de ce stand-by, n’a jamais cessé de se côtoyer pour continuer à renforcer sa cohésion, entre séances de sport collectives, navigation hebdomadaire et réunions. Autant dire que c’est avec une très forte envie que les sept marins, choisis pour leurs compétences techniques, leurs aptitudes physiques et leur complémentarité, larguent les amarres, conscients de s’attaquer à un challenge relevé qui va les pousser dans leurs retranchements.
Interrogé ce vendredi matin au moment de rejoindre Sodebo Ultim 3 sur son ponton de Lorient, Thomas Coville raconte ce moment toujours particulier, une fois la décision de départ prise. « Le passage de l’orange à vert est souvent assez brutal, il faut changer de mode et de mental, on est dans la chambre d’appel. Personnellement, ce qui m’aide à basculer, c’est quand je m’habille avec mes vêtements de mer, que j’enfile mes bottes, ça me permet de rentrer dans un autre monde, celui de marin. La séquence de convoyage jusqu’à la ligne va également contribuer à rentrer dans la dimension de ce départ. C’est un moment fort pour notre équipe et dans notre histoire. »
Les conditions du départ ? « On va partir au près/reaching pour chercher un premier front dans le sud d’une dépression, avec un virement de bord prévu samedi après-midi, pour ensuite plonger au sud dans un vent qui va adonner, donc du portant, répond Benjamin Schwartz. L’objectif est de contourner l’anticyclone des Açores par l’est et de se glisser dessous pour un dernier empannage, sans doute lundi matin, qui nous amènera tout droit vers l’équateur en environ 5 jours, donc avec un peu d’avance sur le temps du record. » L’intéressé se montre cependant prudent : « La fenêtre est assez courte, dans la mesure où l’anticyclone des Açores a tendance à émettre une dorsale (un prolongement) qui vient fermer la route vers le Portugal, donc il va falloir réussir à se glisser dans un couloir assez étroit dans le temps. »
Crédit photo : Vincent Curutchet / Team Sodebo
L’enjeu de ce début de tour du monde est, une fois l’Equateur franchi, de se placer à l’avant d’une dépression au large du Brésil pour faire route vers le cap de Bonne-Espérance, où il faut arriver en une douzaine de jours. Car dans l’océan Indien, Francis Joyon et son équipage avaient au cours de l’hiver 2016-2017 signé une trajectoire quasiment parfaite, enchaînant les journées à plus de 800 milles en 24 heures, ce qui leur avait permis de prendre une avance considérable sur le temps de passage du détenteur du Trophée Jules Verne de l’époque, Banque Populaire V (45 jours 13 heures 42 minutes). « En ce qui concerne l’Atlantique Sud, on a vu, notamment sur le Vendée Globe, qu’il y avait une bonne dynamique ces derniers temps, elle devrait se prolonger lors des dix prochains jours et nous permettre de faire une connexion au large du Brésil avec une dépression qui nous emmènerait, on l’espère, dans des bons temps vers Bonne-Espérance », indique Benjamin Schwartz.
Thomas Coville, qui a lui-même battu à deux reprises ce record du tour du monde en équipage, la première en 1997 aux côtés d’Olivier de Kersauson (71 jours 14 heures et 22 minutes), la seconde avec Franck Cammas en 2010 (48 jours 7 heures et 44 minutes), confirme la nécessité d’être dans les temps du record en entrée d’océan Indien : « Francis et son équipage avaient bénéficié de conditions parfaites dans l’Indien à l’avant d’une dépression, ce qui leur avait permis de faire un bord quasiment tout droit pendant plus de dix jours. D’où l’importance de ne pas être en retard, voire en avance, sur leur temps de passage à Bonne-Espérance. »
Il y a quatre ans, Sodebo Ultim 3 avait franchi cette marque en 12 jours et 2 heures (contre 12 jours et 19 heures pour Idec Sport), preuve que le trimaran, considérablement optimisé depuis et sur lequel son équipage s’entraîne depuis mai dernier, a toutes les armes pour décrocher le véritable graal de la course au large qu’est ce Trophée Jules Verne. Un Trophée, qui, depuis, que le pionnier Bruno Peyron s’en est emparé en 1993, premier sous la barre des 80 jours (79 jours et 3 heures), est passé entre les mains de Peter Blake (1994), Olivier de Kersauson (1997 et 2004), Bruno Peyron de nouveau (2002 et 2005), Franck Cammas (2010), Loïck Peyron (2012) et Francis Joyon (2017).
Une sacrée lignée de marins dans laquelle Thomas Coville, avec son équipage, rêve de s’inscrire, lui qui confie, à propos du défi qui attend l’équipage : « Nous préparons cet objectif tous ensemble depuis mon retour de l’Arkea Ultim Challenge. C’est la première fois que je fais deux tours du monde la même année et c’est un sentiment très fort d’emmener six garçons qui n’y sont jamais allés, de leur laisser leur chance, c’est aussi dans l’ADN de Sodebo. Je revois tous les moments qu’on a passés ensemble pour se préparer à ce Trophée Jules Verne qui a une place très particulière dans notre culture maritime. Dans mon histoire aussi car c’est sur un Jules Verne que j’ai bouclé mon premier tour du monde, en 1997 avec Olivier de Kersauson. On avait mis 71 jours, on vise aujourd’hui autour des 40 jours, c’est dire à quel point tout notre milieu a progressé. »
Sodebo Ultim 3 ne sera d’ailleurs pas le seul à s’élancer, puisque SVR Lazartigue a prévu de débuter sa tentative à peu près à la même heure. « C’est assez normal, nous avons les mêmes données, nous avons quasiment les mêmes performances, commente Thomas Coville. C’est fantastique de pouvoir se dire qu’on repart à deux Ultim autour de la planète sur ce record, ça donne le ton d’une époque. »
Avant de terminer avec une pensée pour les 3000 collaborateurs de Sodebo : « C’est un moment important de notre histoire commune. Ensemble nous faisons des choses rares. J’espère que je suis leur ambassadeur pour dire que c’est une entreprise de fous et que ce que nous allons faire avec le trophée Jules Verne est quelque chose qui nous ressemble. »
La réaction de Patricia Brochard, co-présidente de Sodebo : « Le Trophée Jules Verne est un record mythique en même temps qu’un défi très engageant pour Thomas et son équipage de six marins. Il faut rappeler que c’est un deuxième tour du monde pour Thomas en moins d’un an. On sait qu’il aime ça, mais c’est tout de même assez impressionnant, sur un format différent cependant, celui de l’équipage, qu’il apprécie tout autant. Ce format implique d’autres notions, la cohésion d’équipe, la complémentarité, l’engagement commun, qui permettent de raconter de très belles histoires et se rapprochent de ce que nous vivons en entreprise chez Sodebo, dans le sens où c’est la dynamique collective qui fait les belles réussites. On a bien sûr l’espoir que l’équipage de Sodebo Ultim 3 puisse battre un record de très haut niveau, détenu depuis 2017 par Francis Joyon, l’enjeu sportif est élevé. »
Crédit photo : Vincent Curutchet / Team Sodebo